jeudi 17 juillet 2008

Juin (Le Voyage, 6)




Il faisait chaud, trop chaud. Clément s’arrêta au bord de l’eau qui frissonnait de plaisir au spectacle du combat que se livraient pour elle l’ombre et la lumière.

Le torrent plus bas se teintait de couleurs sombres comme si un monstre s’y tapissait en attendant de surgir soudain pour emporter les promeneurs inconscients.

Clément y plongea une main, puis ses pieds endoloris. La fraîcheur de l’eau contrastait avec la chaleur ambiante. Il remplit sa gourde et but à grands traits.

Il décida de s’arrêter là quelques heures, en attendant que le soleil fasse une pause, une petite sieste entre deux lambeaux de ciel.

Clément sourit.

Il imaginait le soleil se cachant au début de l’après-midi, par lassitude ou par paresse, se couchant tranquillement au grand dam de ceux qui doraient sur les plages… Pourquoi le soleil n’aurait-il pas aussi l’âme rêveuse ?

Les mots revenaient. Ils accouraient soudain, au rythme de la complainte de l’eau, ils se bousculaient, chassaient les pensées moroses.

Le soleil devenait un peu moqueur. Soleil de juin, soleil d’été adolescent. Il jouait avec Clément. Il faisait du lit de la rivière la scène improbable d’un son et lumière grandiose.

Clément observait. Les feuilles tour à tour scintillaient. Il pensa que le soleil y jouait les différents mouvements d’un concerto flamboyant. Il ne parvenait pas à l’entendre, tout était encore confus dans son esprit. Mais il savait qu’il pouvait essayer, encore et encore, et que ce serait l’aboutissement de sa recherche.

Un jour, le soleil lui parlerait comme aujourd’hui, il lui soufflerait les mots de l’attente paisible et, ce jour-là, Clément entendrait le concerto vert sombre des feuilles du bord de l’eau, il suivrait le rondo léger des cailloux qui affleurent dans la rivière, il écouterait le solo de harpe du vent dans les grands sapins de la montagne.

Pour l’instant, il ne faisait que regarder, comme s’il lisait la partition sans avoir appris à la déchiffrer.

Quelque chose avait changé.

Lorsque Clément reprit la route ce jour-là, tout en suivant le torrent, son sac lui parut moins lourd et la vie plus légère.

Il n’avait pas encore tout à fait envie de chanter, mais il avait déjà retrouvé les mots, ceux qu’on dit à l’oreille dans le secret de l’alcôve ou du confessionnal, les mots muets.

Ses lèvres étaient scellées, comme toujours depuis janvier mais son cœur battait au rythme de la chanson qui s’y construisait peu à peu. Petite chanson sans prétention de poète inconnu, elle s’écrirait tout au long de son voyage. Lorsqu’elle aurait comblé le vide de sa vie, il pourrait enfin la chanter.

Les mots revenaient, lui peignaient de nouveaux horizons. L’eau, le soleil, le vent, la montagne qui le poussait vers le lac.

Clément souriait, mais avait-il pour autant oublié son chagrin ?



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